« Précocité et échec scolaire »

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« Précocité et échec scolaire »

Samedi 10 janvier 2015 à l’école Stéphane Hessel avait lieu une conférence de l’AASIP de Montreuil (Association d’Accueil, d’Accompagnement et de Soutien aux personnes Intellectuellement Précoces) sur le thème des enfants intellectuellement précoce et de l’échec scolaire. J’ai tenté de vous restituer ce que j’ai pu prendre en notes, en trois parties distinctes.

Voici la première partie, il s’agit de l’intervention de Nathalie DISCOURS, psychologue cogniticienne et présidente de l’association:

Oumzaza

« Précocité intellectuelle ne présage pas échec scolaire »….

« Précocité et échec scolaire »

Voici les premiers mots de Nathalie Discours lors de la conférence. Mots qui résument beaucoup et remettent même en question l’appellation de ces enfants, de ces femmes et de ces hommes dits « surdoués », et que l’on pense donc sans problème aucun ! Des instit’ persuadés qu’un surdoué réussira dans la vie aux parents qui mettent une pression incommensurable sur les épaules de leurs petits « génies », en passant par les copains moqueurs et qui harcèlent et les psychologues qui refusent d’accompagner ces enfants à qui devrait tout réussir, découvrez le véritable univers de ces enfants, pas plus intelligents, mais dont le fonctionnement est bien différent et souvent associé à des troubles gênants… Des enfants non moins merveilleux et attachants de par leur sensibilité et leur imagination...

Fonctionnement d’un enfant intellectuellement précoce

Les personnes dites « à haut potentiel » ont une pensée en arborescence. Mais ces neurones plus nombreux et dont les connexions entre eux sont également plus nombreuses et plus rapides font que ces même personnes peuvent se perdre dans leur réflexion. A un problème ils auront le plus souvent la réponse, mais sans explication. On parle également de la concentration des cinq sens, qui entraîne une difficulté de ladite concentration, c’est l’hyperesthésie.

Les enfants dits « surdoués » ou à « haut potentiel » ou encore « intellectuellement précoce » fonctionnent par un traitement global des informations tandis que l’école impose un traitement séquentiel. C’est ainsi que ces enfants s’ennuient très vite en classe. Apprendre devient ennuyeux, ils préfèrent comprendre. En effet, ils ont toujours besoin de d’avantage de contexte et posent mille et une questions pour certains, ce qui peut agacer l’instit’ ou le prof qui a un cadre et un programme ne permettant pas toujours de répondre aux besoins particuliers.

L'hémisphère droit du cerveau des EIP (Enfants Intellectuellement Précoces) est bien plus développé que chez les enfants « normaux-pensant ». L’affect, les émotions et l’imaginaire des premiers est de ce fait plus aiguisé que chez les seconds. C’est pourquoi les EIP ont de réelles facilités à apprendre leurs poésies par exemple.

Les EIP fonctionnent de façon binaire. C’est à dire que lorsque tout va bien, tout semble parfait. Et à l’inverse lorsque quelque chose ne va pas tout devient « nul ». L’affect de l’EIP est décuplé, il est hypersensible. Il peut être « hypercaspié » et la minute qui suit « hyperadorable »… Beaucoup d’enseignants pointent de ce fait un manque de maturité, à tort vous l’aurez compris. La gestion de l’émotivité est difficile chez les EIP, et même lorsqu’ils deviennent adulte. Même entourés à la récrée ils se sentent souvent seuls. Et malheureusement, certains EIP sont sujets aux harcèlements à l’école, et parfois présentent même une phobie scolaire. Le « social » est leur point faible pour nombre d’entre eux.

Exemple : lorsque l’enseignant se trompe, ses erreurs le décrédibilise vite chez les EIP. Ce qui est problématique. Comme les psychologues mis en échec par ces petits êtres intransigeants face à celle ou celui qui devrait savoir, et qui n’a pas le droit à l’erreur… c’est très déstabilisant !

Troubles associés chez les EIP

De nombreux EIP présentent des DYS. On regroupe ces troubles en 6 catégories (source : Ffdys.com):

• Les troubles spécifiques de l’acquisition du langage écrit, communément appelés dyslexie et dysorthographie.
• Les troubles spécifiques du développement du langage oral, communément appelés dysphasie.
• Les troubles spécifiques du développement moteur et/ou des fonctions visuo-spatiales, communément appelé dyspraxie.
• Les troubles spécifiques du développement des processus attentionnels et/ou des fonctions exécutives, communément appelés troubles d’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H)
Les troubles spécifiques du développement des processus mnésiques.
• Les troubles spécifiques des activités numériques, communément appelés dyscalculie.

Le test de QI définit si l’enfant est potentiellement précoce. L’éducation nationale réclame un QI de 130 pour accorder le « statut » de précoce à un enfant. Or, la dyschronie des résultats des tests de QI chez l’EIP amène régulièrement à un « non score » ou un résultat en deça de 130. En effet, les écarts de plus de 20 points entre les différents thèmes du test (qui sont au nombre de quatre) rendent le calcul du QI final impossible, et donc parfois une non-considération de ce qu’est l’enfant à l’école.

« Précocité et échec scolaire »

Intervention de Sydney Sambia psychomotricien à l’AASIP.

De nombreux EIP (Enfant Intellectuellement Précoces) vivent un décalage entre leur compréhension et l’utilisation de leur corps. Le psychomotricien va aider ces enfants à savoir exprimer leurs émotions ou leur compréhension avec leur corps. Il s’agit de dyssynchronie interne, une dysharmonie dans le couple « compréhension rapide » et «mise en mouvement du corps ».

Et après ? Qu’est ce qu’on fait après ?

De nombreux EIP ont peur de « l’après« . Comment faire lorsque ces enfants ne profitent pas du présent mais semblent sans cesse vouloir connaître le futur ? D’après Sydney Sambia, il faut les rassurer, leur apprendre à « prendre son temps », à poser les choses, à entrevoir d’autres possibilités même…

Ces enfants ont la volonté d’aller vite, de faire tout, tout de suite. Cela entraîne une hypertonie qui engendre un manque de fluidité dans les gestes, un manque de contrôle. Cette force, cette volonté fait passer l’énergie de l’enfant d’une hypotonie à une hypertonie qu’il faut canaliser.

L’hypersensibilité et la motricité

L’écriture est la coordination la plus aboutie de l’être humain. Et l’on sait d’autre part que les EIP sont hypersensibles. Concernant la motricité globale, l’anxiété est traduite par la crispation, une hypertonie… Quant à la motricité fine comme l’écriture, l’EIP juge souvent qu’il est plus rapide de réfléchir et de parler que d’écrire. Ici réside le travail du psychomotricien qui va travailler à reprendre le contrôle de la motricité globale, et travailler la motricité fine en rééduquant l’enfant avec bienveillance.

Ici réside une double difficulté pour les enfants à l’école : concernant l’écrit mais également sur le plan social. Cette dyssynchronie interne va engendrer leur hypersensibilité. En effet, les EIP comprennent plus de choses qu’ils ne peuvent en assumer sur le plan affectif, d’où l’écart important entre la stimulation et la réponse affective. Et dans le même temps leur peur de l’après et leur volonté d’aller plus vite pour découvrir le futur peut leur faire délaisser ou bâcler l’écrit.

Une socialisation difficile

L’enfant intellectuellement précoce aura parfois une autre façon de s’exprimer avec son corps. Et de ce fait, s’en servira différemment lorsqu’il joue. Les enfants pourront considérer qu’il ne joue pas comme eux, et dans certains cas extrêmes l’EIP s'isolera.

Le psychomotricien travaillera avec l’enfant afin d’éviter les difficultés scolaires en se concentrant sur la réappropriation du corps. Un bilan psychomotricité est donc recommandé pour accompagner l’enfant et avancer positivement.

« Précocité et échec scolaire »

Intervention de Chrystel Bonissent maman d’EIP et institutrice.

Les enseignants ne sont pas formés sur les différences. Ils le peuvent s’ils le souhaitent à travers des animations et formations hors cadre, mais rien n’est vraiment prévu lors de leurs études et remises à niveau. Il existe un véritable harcèlement de la part des parents dans le système éducatif. En effet, l’Education Nationale ne répond pas aux demandes comme il se devrait aujourd’hui. Les dispositifs sont insuffisants, même s’il y a des référents dans chaque académie relatifs à la précocité.

Une circulaire de 2002 (circulaire 2002-075 du 14-4-2002, B.O. n° 16 du 18 avril 2002) introduit légalement la reconnaissance de la précocité à l’école. La dernière circulaire en date(circulaire du 17-10-2007, B.O. n° 38 du 25 octobre 2007 ) oblige quant à elle une prise en charge personnalisée des Enfants Intellectuellement Précoce, le PPRE (Programme Personnalisé de Réussite Educative).

Quelques indices permettant de détecter les EIP

Parmi les enseignants sensibilisés à la douance, la détection des Enfants Intellectuellement Précoces (EIP) se fait grâce à l’observation en classe, ou pendant la récréation. C’est ainsi que Chrystel Bonissent s’est vu convoquer des parents d’élèves pour leur apprendre l’éventuelle précocité de leurs enfants. Elle partage avec nous quelques pistes…

Plus tôt l’enfant est détecté et pris en charge mieux c’est. La première partie que vous pourrez relire (ici) vous donnera de nombreuses pistes. Dans le cadre de l’école, voici quelques précisions de la part de Chrystel Bonissent.

La précocité, encore une fois, ce n’est pas être plus intelligent mais être différemment intelligent. Une des particularités de l’EIP est qu’il ne supporte pas l’échec. Cela peut entraîner chez lui des comportements extrêmes alors que l’échec est indispensable à tout apprentissage. Une explication peut prendre plusieurs formes, il est alors possible et nécessaire de positiver afin de replacer l’enfant dans une relation de confiance, faire tomber « les murs de la peur ».

Ces enfants aiment le renouveau, comme changer d’institutrice. Les EIP aiment également les explications et ne sont jamais rassasiés. Ils mettent régulièrement leurs référents en échec, que ce soit des enseignants, des psychologues, des éducateurs, et de ce fait peuvent être pris en grippe aisément.

Quelques outils pour les EIP en classe

La maîtresse (ou le maître) aide, guide, donne des outils. Lorsqu’un EIP, comme expliqué dans la première partie, trouve la solution à un problème mathématiques sans savoir expliquer le raisonnement qui l’a amené à ce résultat, il est important de lui fournir la méthodologie. Ainsi le cadre de cette même méthodologie le sécurisera et lui permettra d’expliquer la résolution du problème.

les tutorats sont également très positifs. Il s’agit de faire de chaque élève un tuteur qui a lui même un tuteur. Ainsi, cela n’enferme jamais l’enfant dans une consigne, un rôle précis. Cela différencie, diversifie les tâches.

Chrystel Bonissent a constaté qu’il était bénéfique de complexifier la consigne pour l’EIP, afin de l’intéresser, lui permettre d’aller plus loin, éviter qu’il décroche ou qu’il s’ennuie.

La mise en échec, inévitable, est également importante chez les EIP. Alors que nous craignons souvent de voir arriver une crise ou une colère qui traduirait la frustration de l’enfant face à sa soi-disant incompétence ou maladresse, il est important de mettre en échec les EIP, chez qui c’est peut être même plus salutaire que chez nombre d’enfants. Se tromper permet d’apprendre et de s’améliorer.

Lorsque les règles viennent des enfants eux même, ces derniers sont plus enclin à les respecter. Et ce peu importe le groupe. A l’aide de petits contrats disposés sur la table des concernés par exemple, Chrystel Bonissent témoigne que cela fonctionne plutôt bien, notamment avec les EIP.

Il est important de donner des responsabilités aux EIP. Le tutorat ou les petits contrats aide en ce sens. Mais ils ont également besoin d’être sécurisés, accompagnés, en confiance. Les outils d’aide sur leur table d’écolier sont très appréciés par ces enfants. Attention, il ne faut pas noyer l’enfant d’informations. De petites affiches suffisent pour quelques infos flash.

Les EIP sont friands de moyens mnémotechniques Un exemple pour se rappeler des pays frontaliers à la France: BLASIE pour Belgique, Luxembourg, Allemagne, Suisse, Italie et Espagne. Il en existe beaucoup, et ils peuvent créer les leurs !

La mémoire de l’être humain peut être visuelle (à travers la vue et l’écriture), auditive (en relisant à haute voix ou en s’écoutant après s’être enregistré), kinesthésique (en bougeant, touchant…). L’une de ces mémoires est toujours prédominante. Pour les enfants kinesthésiques, une balle dans la poche que l’enfant pourra malaxer, toucher, deux règles formant un avion, colorier les carreaux d’un cahier voire dessiner les aidera énormément. Il est important dans ce cas d’en avertir l’instituteur(trice) et d’en parler, afin que l’enfant se sente cadré et compris, mais aussi que la relation parent/enseignant soit harmonieuse.